Le Corbusier et la maison-atelier Ozenfant (Paris 14)

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Charles-Edouard Jeanneret dit Le Corbusier (1887-1965)

 

Peu d’architectes ont autant suscité de polémiques, sarcasmes et espoirs que Le Corbusier. L’intensité de l’oeuvre de l’architecte pendant six décennies reste confondante. Architecte, urbaniste, décorateur, designer, peintre, sculpteur il est également un théoricien hors pair écrivant de nombreux livres, des centaines d’articles et animant de très nombreuses conférences. On comprend alors qu’il soit difficile de résumer en quelques lignes cette grande figure de l’architecture française qui condense toutes les tensions du XX ème siècle et laisse une oeuvre unique dans sa complexité.

Né en Suisse Charles-Edouard Jeanneret, qui prendra le pseudonyme de Le Corbusier en 1920, descend d’une lignée d’industriels horlogers suisses. En 1900 il entame une formation de graveur ciseleur à l’école d’art de La Chaux-de-Fonds dans le canton de Neuchâtel afin de reprendre le flambeau familial. Des problèmes de vision et le manque de créativité du métier dirigeront le jeune homme vers des études de peinture puis de décorateur et d’architecte. Les voyages qu’il effectuera à partir de 1907 d’abord en Europe le marqueront à tout jamais, surtout la visite de l’acropole d’Athènes. A Paris en 1909 il travaille quelques mois en tant que dessinateur technique auprès des frères Perret qui lui font découvrir le béton armé. Après quelques années en Suisse où il réalise quelques maisons il s’installe définitivement à Paris en 1917 où il mène une vie d’industriel et d’intellectuel en rencontrant un grand nombre d’artistes comme le peintre Amédée Ozenfant. Ce dernier l’initiera à la peinture à l’huile et tous deux exposeront leurs peintures valorisant les formes simples.Tous deux publient « Après le cubisme » manifeste dans lequel ils proposent un programme esthétique vantant les constructions d’un esprit nouveau. Les deux associés rapprochent l’architecture grecque et les usines modernes. Ensemble ils fondent en 1920 la revue « L’esprit nouveau » rendant compte de l’actualité politique, artistique et scientifique. Dans le cadre du retour à l’ordre engagé pendant la guerre, Ozenfant et Le Corbusier sont attachés à la recherche d’un langage épuré, rejettent les abstractions compliquées du cubisme et refusent toute dérive décorative.

En 1922 la venue à Paris de son cousin Pierre Jeanneret architecte et futur designer lui permet de trouver un solide associé pour relancer son activité d’architecte. Les premières réalisations architecturales de Le Corbusier à Paris sont les commandes privées d’une clientèle avide de modernité ou d’artistes fortunés. La décennie 1920-30 le voit réaliser un ensemble remarquable de villas, d’ateliers ou d’habitations manifestes où l’on voit se formaliser les éléments du langage Corbuséens comme ici la maison-atelier que son ami le peintre Amédée Ozenfant lui commande en 1923; elle est la parfaite illustration de sa « période puriste ». 

La maison atelier Ozenfant est une transposition partielle de la maison Citrohan, exposée sous forme de maquette en plâtre au salon d’automne de 1922 ; elle préfigure la théorie des 5 points de l’architecture moderne que Le Corbusier mettra au point en 1927. Ici la maison se caractérise avant tout par une standardisation systématique des éléments de construction (ossature, fenêtres, escaliers etc…) L’architecture de la maison Ozenfant s’oppose aux recherches régionalistes ou académiques, reprend l’idée de pureté et exploite la nouveauté apportée par le béton armé enveloppé d’un enduit blanc révélant l’éloquence du volume architectural.

Ici l’espace de la maison atelier n’est ni perdu, ni étriqué. L’espace « puriste » de l’atelier à double hauteur est privilégié par rapport aux pièces d’habitation éclairées par la fenêtre bandeau au niveau inférieur. La blancheur des murs est soulignée par le vide de la double hauteur. C’est bien dans ces ateliers d’artistes où la lumière est magnifiée qu’apparait l’espace moderne après les ateliers surchargés du XIX ème siècle. Ici le peintre s’affranchit des lourdes conventions bourgeoises. A l’origine la grande verrière était recouverte par des sheds vitrés assurant une lumière zénithale; aujourd’hui disparus ils ont été remplacés par une terrasse. Les deux façades d’angle sont traitées avec simplicité, avec de grandes baies vitrées assurant un éclairage optimum. Seul un petit escalier à spirale en béton anime la stricte volumétrie du bâtiment. La maison a été transformée, le garage supprimé, le rythme des fenêtres du rez-de-chaussée changé et les volumes intérieurs cloisonnés.

 

L’atelier Ozenfant annonce la réalisation de la villa La Roche-Jeanneret exécutée la même année et qui marque un seuil dans la réflexion architecturale de l’architecte attentif aux démarches des avant-gardes européennes…Elle abrite aujourd’hui La Fondation Le Corbusier qui a obtenu en 2016 que l’oeuvre architectural de Le Corbusier soit classé au patrimoine mondial de l’Unesco.

 

 

La maison atelier Ozenfant est visible lors de la visite « Les ateliers d’artistes autour du parc Montsouris »

Charles Klein et l’immeuble « les chardons » (Paris 16)

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Charles Klein (1903)

Charles Klein n’a laissé à la postérité que ce spectaculaire immeuble de style Art Nouveau que les habitants de Passy connaissent bien, situé à l’angle de la rue Eugène Manuel et de la rue Claude Chahu.

Ancien élève de l’école nationale supérieure des Beaux-Arts Charles Klein réalisa en 1903 un immeuble de rapport dont la façade est intégralement recouverte de grès flammé, singularité qui lui assura une immédiate renommée et lui vaudra le prix du concours des façades de la ville de Paris la même année.

Les nouvelles règlementations à la fin du XIX ème siècle et au début du XX ème siècle sur les saillies en façade et sur les gabarits en hauteur des immeubles ont généralisé une architecture plus mouvementée et plus riche vite adoptée par des architectes trop heureux d’abandonner les contraintes constructives et urbanistiques imposées par le Paris haussmannien. Pour encourager la création, l’art et l’animation des rues, la municipalité va alors organiser un concours des façades qui récompensera six constructions privées par année et cela dès 1898. Le premier immeuble récompensé par ce prestigieux concours sera le Castel Béranger d’Hector Guimard dans le 16 ème arrondissement. Primé en 1903 l’immeuble  » les chardons » est tout à fait représentatif de cette période « Belle Epoque » où le style Art Nouveau, comme le style post-Haussmannien vont s’épanouir. C’est une période de recherches esthétiques qui stimule les arts décoratifs et un artisanat créatif. C’est une époque marquée par les innovations sur le traitement des matériaux afin d’en tirer de nouvelles possibilités. Cette période aura eu pour rôle essentiel de promouvoir et d’expérimenter par l’architecture et les arts-décoratifs l’Art pour tous et l’Art partout.

Charles Klein réalise ici un immeuble dont la structure est en béton armé selon le système Hennebique, nouvellement très utilisé par les architectes en ce tout début du XX ème siècle. François Hennebique est l’un des premiers maçons qui en 1890 élabore un système de construction en fer et en béton, adaptable à de multiples situations. Le béton armé, résistant au feu et bon marché va être rapidement un marché en pleine expansion grâce à la simplicité de sa mise en oeuvre en remplaçant la maçonnerie classique ou les structures métalliques.

Le béton ici est entièrement couvert de céramique jaune d’ocre et vert d’amande ; soubassement et linteaux, arêtes et angles, toutes les lignes constructives de l’immeuble sont recouvertes de buissons dont les formes mettent en tension la surface unifiée et lisse des carreaux de grès qui couvrent la façade. C’est le céramiste Emile Müller dont ce sera la dernière grande réalisation, qui réalisera ce magnifique décor architectural en grès flammé. Le décor est entièrement consacré au chardon décliné sous toutes ses formes: tiges, feuilles, fleurs dont la couleur rose vient ponctuer la végétation sombre;  ce décor d’après les dessins du peintre Eugène Grasset est complété par quelques têtes échevelées…

Les ferronneries remarquables de la grille d’entrée comme son cadre de grès célèbrent le chardon; c’est le ferronnier Dodelinger qui en est l’auteur ainsi que les rambardes des fenêtres et des balcons ; Le vestibule d’entrée mérite lui aussi un coup d’oeil pour être entièrement couvert de carreaux de céramiques au décor floral…

L’Art Nouveau parisien se distingue par rapport à l’Art Nouveau viennois, bruxellois ou de Glasgow par la quantité de ses oeuvres disparues abstraction faite des intérieurs privés et des décors de lieux publics comme les brasseries, restaurants et boulangeries…La liste des bâtiments Art Nouveau détruits est impressionnante et Hector Guimard en fut la principale victime avec la disparition de plus de la moitié de sa production. Les destructions d’édifices Art Nouveau à Paris est le fait de l’effet de mode, de l’ignorance ou encore de la pression immobilière.

L’art Nouveau, dans son aspect le plus flamboyant n’a finalement duré à Paris que quelques années, de 1898 à 1905…Dès 1910 le style se limite souvent à un seul décor d’éléments sculptés réalisés en pierre comme le linteau de la porte d’entrée et (ou) des fenêtres ; on constate la disparition de la céramique architecturale au décor foisonnant.

Si vous passez dans le quartier ne manquez pas cet immeuble remarquable !

 

Immeuble classé au titre des Monuments Historiques (MH) depuis 1986.

Cet immeuble est visible lors de la visite « la Belle Epoque, période stylistique riche et éclectique ; démonstration dans le quartier de Passy.

Jacques Ignace Hittorff et le Cirque d’hiver (Paris 11)

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Jacques Ignace Hittorff (1792-1867)

 

Injustement méconnu Jacques Ignace Hittorff est pourtant l’un des plus grands architectes du Paris Haussmannien avec des aménagements et des réalisations phares dans la capitale.

 Hittorff est né à Cologne en Allemagne en 1792 . Il devient citoyen français lors de l’annexion de la ville à la République Française en 1801. Il jouit alors du privilège de pouvoir étudier à l’école impériale des Beaux-Arts de Paris où il entre dans l’atelier de Charles Percier. En 1814, à la chute de l’Empire, les provinces rhénanes sont attribuées à la Prusse et Hittorff redevient un étranger; il ne peut alors espérer préparer le concours du grand prix de Rome aussi part il en Sicile où il entreprend des fouilles et reconstitutions archéologiques à partir de 1822. Ce séjour et ces travaux seront déterminants sur son architecture. A son retour à Paris en 1824, il présente aux membres de l’académie des Beaux-Arts le fruit de ses recherches, à savoir l’assurance de la polychromie des édifices antiques. Sa théorie sur la coloration intégrale des édifices antiques est révolutionnaire et rompt totalement avec les préceptes esthétiques de l’idéal néo-classique à savoir des bâtiments purs et blancs. Ce discours va provoquer de nombreux débats et querelles pendant de nombreuses années. La carrière de Hittorff prend un réel envol avec l’agencement de la place Louis XV (place de la Concorde) en 1836, après avoir entamé la construction de l’imposante et décorative église St Vincent de Paul. Il conçoit ensuite l’avenue des Champs Elysées en 1838. Retrouvant la nationalité française il entre à l’académie des Beaux-Arts et en 1850 réalise la mairie du 5 ème arrondissement, le cirque d’Hiver puis la fondation Eugène Napoléon. Traversant les régimes politiques il gagne la faveur de l’Empereur et devient l’architecte du bois de Boulogne et crée l’avenue de l’Impératrice (avenue Foch). Après la mairie du 1 er arrondissement en 1858, la reconstruction de la gare du Nord (1861-66) sera son ultime grande réalisation et l’un des plus beaux bâtiments parisien en alliant la monumentalité d’un bâtiment de style néo-classique à la technique innovante de l’acier.

 

Hittorff est un architecte néo-classique actif sous la monarchie de Juillet et sous le second Empire. Comme les architectes de sa génération il va revenir aux sources de l’architecture inspirée des monuments antiques, redécouverts lors de fouilles menées à la fin du XVIII ème siècle. Mais Hittorff va travailler à une époque charnière, il va dépasser le modèle classique sévère et immaculé pour l’enrichir de la couleur et d’éléments sculptés tels que les fouilles archéologiques ont pu lui révéler. De plus, comme ses contemporains davantage passés à la postérité comme Henri Labrouste ou Victor Baltard, Jacques Ignace Hittorff s’intéresse aux nouveaux matériaux comme la fonte puis le fer qu’il va intégrer à son architecture classique (gare du Nord).

 

Le cirque d’hiver fut commandé à l’architecte en 1852 par Louis Dejean alors directeur du cirque des Champs Elysées. Il veut un second cirque pour la saison froide, à une époque où le cirque était équestre et où on construisait de véritables temples à cet art. Le cirque des champs Elysées, déjà bâti par Hittorff, est un cirque d’été, en matériaux légers, impraticable l’hiver. Un nouveau cirque est donc commandé afin de continuer d’émerveiller le public tout au long de l’année. Le nouveau bâtiment doit être un palais digne des mille et une nuits et seul Hittorff aux yeux de Dejean peut relever le défi. Dejean veut rester dans la tradition du cirque olympique  tout en touchant un public plus large c’est pourquoi il choisit un quartier à la limite de la ville, boulevard du Temple, quartier populaire où se trouvent de nombreux estaminets, restaurants et théâtres aux programmes dramatiques d’où son surnom de « boulevard du crime ».

Les travaux débutèrent en avril 1852 et s’achevèrent moins de 10 mois plus tard en décembre 1852. Le bâtiment est formé d’un polygone à 20 pans rythmé à chaque angle par des colonnes à chapiteaux corinthiens. Deux frises de bas-reliefs sur le thème du cheval évoquent les activités équestres tandis que se dressent de part et d’autre de l’entrée principale des statues en fonte, une amazone du sculpteur James Pradier et un guerrier antique de Bosio érigées à la gloire de l’art équestre. Les couleurs (plus vives à l’origine) marquent les divisions de l’architecture et ont valeur de publicité, attirent le regard dans une ville traditionnellement de pierre et de plâtre. Hittorff on l’a vu, a été particulièrement marqué par l’architecture antique grecque; ainsi les sculptures qui courent sur le pourtour du bâtiment sont aussi une évocation des frises du Parthénon qui vient d’être transporté à Londres. C’est également une mise en scène d’histoires avec chevaux et personnages qui évoquent le monde du cirque, comme les acrobates. On transpose ici le monde grec antique au monde contemporain. Le bâtiment était éclatant de couleurs : Hittorff a toujours insisté sur la polychromie des bâtiments grecs. La couleur est appliquée dans ses monuments lorsque c’était possible; les temples étaient colorés, pourquoi les églises ne le seraient elles pas? (Eglise St Vincent de Paul). Ici la couleur se rattache à l’idée d’un lieu lié au plaisir, au divertissement.

Inauguré le 11 décembre 1852 par l’empereur Napoléon III le cirque prendra le nom de Cirque Napoléon. A l’intérieur le bâtiment reçoit un décor fastueux avec bois précieux, marbres, peintures, tentures, nombreux lustres et un système de chauffage très innovant. A la chute de l’Empire en 1870 l’édifice devient Cirque National et accueille des réunions patriotiques et révolutionnaires. Après bien des péripéties et des changements de destination (le cirque a été acheté par la firme Pathé en 1907) le bâtiment devient propriété de l’illustre famille des frères Bouglione en 1934  retrouvant sa vocation première de cirque même si les spectacles aujourd’hui diffèrent beaucoup des premières représentations du Second Empire.

L’originalité et la grandeur de Jacques Ignace Hittorff résident dans la maitrise de son art et son aptitude à intégrer les techniques nouvelles dans ses constructions. Il ne copie pas, il n’imite pas, il adapte les modèles antiques aux exigences de son siècle et ses travaux sur la polychromie ont fait de lui le maitre indiscuté de la couleur. Longtemps oublié du panthéon des architectes du XIX ème siècle ( l’hostilité délibérée d’Haussmann à son égard y est certainement pour quelque chose) ajoutée à la perte irréparable d’une grande partie de ses archives peuvent expliquer cette injuste mise à l’écart.

Jacques Ignace Hittorff mérite cependant d’être reconnu car Paris lui doit beaucoup!

 

Monument classé MH depuis 1975

Le Cirque d’hiver est à découvrir lors de la visite « Sur les terres du Temple »

Paul Friésé et la centrale électrique du quai de Jemmapes (Paris 10)

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Paul Friésé (1851-1917)

Issu de l’école nationale supérieure des Beaux-Arts (ENSBA), Paul Friésé est connu pour ses bâtiments industriels et commerciaux. Doté d’une double compétence d’ingénieur et d’architecte, il les met toutes les deux au service de ses réalisations industrielles . A partir de 1891 il réalise des commerces, immeubles de rapport et de nombreux bâtiments industriels notamment dans l’Essonne (grands moulins de Corbeil). A partir de 1903 il travaille particulièrement pour la compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris qui l’engage dans la construction de sous-stations électriques nécessaires à l’alimentation en électricité du métro parisien.

Dès l’ouverture du canal St Martin, au début du XIX ème siècle, des activités industrielles s’implantent au bord du canal. En 1889 l’électrification de la capitale est confiée à 6 sociétés concessionnaires. La compagnie parisienne de l’air comprimé est l’une des plus importantes et couvre les quartiers au nord-est et au centre de Paris. A cette date l’énergie électrique ne pouvait être transportée sur de longues distances, imposant la construction d’usines dans les quartiers d’habitation. L’implantation au bord du canal, dans une zone éloignée des travaux haussmanniens, facilite l’approvisionnement en charbon par péniches et en eau pour la condensation des machines à vapeur. En 1900, 300 ouvriers travaillaient dans cette usine, considérée comme la plus importante et la plus moderne usine d’électricité de France, ce qui lui vaudra la médaille d’or de l’exposition universelle de Paris la même année.

D’un point de vue constructif, Friésé doit composer avec un terrain exigu, perpendiculaire par rapport au canal, ce qui le contraindra à réaliser un bâtiment en U et surtout tout en hauteur, superposant audacieusement les machines à vapeur au-dessus des générateurs électriques , les combles abritant les silos à charbons et les réservoirs d’eau. Les cheminées ont disparu. Sur le quai, les façades accolées des bâtiments administratifs et des salles des accumulateurs se marient harmonieusement tout en affichant leurs fonctions respectives. A l’arrière, le vaste vaisseau qui abritait autrefois la chaufferie et la salle des machines se singularise par l’élégant dessin que forment les poutrelles métalliques. En combinant avec talent exigences techniques et recherches esthétiques, Paul Friésé réussit ici un superbe exemple de rationalisme constructif achevé en 1895.

La centrale électrique du quai de Jemmapes est un magnifique exemple de l’architecture métallique à la mode à la fin du XIX ème siècle. Le bâtiment est à charpente métallique porteuse, hourdé de briques rouges et jaunes. Cette architecture industrielle réunit l’art de l’architecture et la science de l’ingénieur inspiré par la théorie de Violet-le-Duc. Ce procédé est celui du célèbre bâtiment contemporain du moulin de la chocolaterie Menier à Noisiel.

 

La situation intra-muros de la centrale et les progrès en matière de la maitrise de la fée électricité vont rapidement condamner l’usine; dès la fin de la grande guerre son déclin est enclenché. Des centrales plus modernes s’installèrent en périphérie de la capitale. Désaffectée en 1928, l’ancienne usine électrique va abriter tour à tour un dépôt de presse, une usine à vêtements, un atelier de meubles avant d’être repris par la société Clairefontaine qui y fabrique toujours agendas et registres. En conclusion, il est plaisant de constater que ce magnifique témoignage du patrimoine industriel parisien est encore en service…

 

Bâtiment ISMH depuis 1992 en tant que patrimoine industriel.

 

L’ancien usine électrique est à retrouver dans la visite  » Au fil de l’eau, le canal St Martin »

 

Jacques Carlu et le palais de Chaillot (Paris 16)

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Jacques Carlu (1890-1976)

C’est l’homme des défis, des grandes entreprises et d’une certaine démesure dont témoignent ses oeuvres souvent empreintes de monumentalité.

Elève à l’école nationale supérieure des Beaux-Arts (ENSBA) il reçoit le grand prix de Rome en 1919. Après son séjour en Italie il séjourne et travaille aux Etats-Unis et au Canada. De retour en France en 1935 il va remporter avec la collaboration des architectes J. H. Boileau et L. Azéma le concours afin de transformer l’ancien palais du Trocadéro en un nouveau bâtiment à l’occasion de l’exposition internationale des arts et techniques qui se tiendra à Paris en 1937. En effet sur le site retenu pour la nouvelle exposition, s’élevait l’ancien palais du Trocadéro réalisé à l’occasion de l’exposition universelle de 1878 par les architectes Davioud et Bourdais. Cinquante ans plus tard ce bâtiment ne correspondait plus du tout au goût de l’époque par son esthétisme lourd, surchargé et coloré.

Pour des raisons de manque de temps et de coût prohibitif en cas de démolition totale de l’édifice, les commissaires de l’exposition choisirent de le conserver mais de camoufler le vieux palais. Mais l’idée du camouflage fit un tollé dans l’opinion et fut abandonnée. C’est finalement après sa nomination comme architecte en chef du palais que Jacques Carlu trouva un compromis : il décida de démolir le volume central qui contenait la salle de concert et de doubler les longues ailes que l’on conserverait. Les architectes vont enrichir ce parti en enterrant sous la terrasse ouverte sur la tour Eiffel, la nouvelle salle de spectacle. Ainsi les 2 ailes vont s’élever à partir de cette nouvelle esplanade, sans lien entre elles permettant de mettre en valeur de façon moderne, l’échelle et les proportions du nouveau palais. Cette ouverture, le vide sur le ciel, la perspective vers la tour Eiffel s’inspire de la tradition classique et monumentale française qui participe par exemple à la majesté de la place de la Concorde, des esplanades du champ de Mars et des Invalides. Mais c’était aussi l’idée simple qui consistait à aménager en ce point privilégié un lieu pour contempler la ville.

Le palais de Chaillot (à peine achevé lors de l’inauguration de l’exposition en mai 1937) est à tort considéré comme appartenant au style Art Déco. Or, si on veut être le plus juste possible, on devrait dire plutôt que ce bâtiment est représentatif de tout un classicisme qu’on pourrait qualifier, faute de mieux, de « style entre-deux-guerres »... en effet le style Art Déco a pris fin en 1935. On a affaire ici à un style, un esthétisme architectural et décoratif et même sculptural commun à tous les pays occidentaux à la même époque. Nous avons ici un style classique et même néo-romain au dire d’Azéma, par son axialité et l’esprit de symétrie renforcé par le vide central. Nous avons également l’utilisation de tout un vocabulaire venu en droite ligne de Vitruve (corniches, architraves, attiques décoratifs, métopes et autres masques sculptés…)Ici tout est très épuré et délibérément colossal; les colonnes sont privées de chapiteaux et de toutes modénatures, elles sont réduites à la plus simple expression. Le bâtiment de Chaillot, tel qu’il sera exécuté sera plus épuré par rapport au projet initial, certainement à cause d’un budget sans cesse réduit et pour des raisons de rapidité du chantier. Les corniches sont débarrassées de leur décor de caisson et sont soulignées par une moulure en quart de rond beaucoup plus importante. Le dessin des baies et des menuiseries est simplifié et le soubassement du palais est débarrassé d’un bossage pour laisser place à des murs lisses; l’architecte démarque la base de l’édifice en employant des pierres de parement carrées plus petites que celles de la grande élévation du niveau supérieur. La composition des façades est classique mais leur style assez moderne, avec leurs hautes piles carrées sans bases ni chapiteaux encadrant des baies vitrées réunies en de larges verticales sombres et brillantes à la manière des façades rideaux en verre. Les structures de l’édifice utilisent l’acier et le béton et l’ensemble est recouvert en pierre de Bourgogne.

Classé MH depuis 1980

Ce monument est visible lors de la visite « La colline de Chaillot et l’exposition internationale des arts et techniques de 1937 »

Paul Bigot et l’Institut d’Art et d’Archéologie (Paris 6)

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Paul Bigot (1870-1942)

Elève à l’école nationale et supérieure des Beaux-Arts de  Paris (NSBA) Paul Bigot remporte le grand prix de Rome en 1900. Il séjourne alors à la villa Médicis où il travaillera à l’étude du Circus Maximus qui sera son sujet d’envoi de dernière année. Il réalisera également une maquette en plâtre de la Rome antique au IV ème siècle. Cette maquette matérialisée sous la forme d’un plan relief de 75 m2 sera l’élément central de sa carrière et il y travaillera jusqu’à sa mort en 1942. Après la guerre il participe à la reconstruction de plusieurs villes du nord comme st Quentin et de plusieurs monuments commémoratifs liés à la grande guerre avec les sculpteurs Landowski et Bouchard. Il enseigne à l’école des Beaux-Arts.

L’institut d’art et d’archéologie dit aussi Institut Michelet est l’un des plus singuliers bâtiments du paysage parisien qui surprend par son architecture composite et par la richesse de son revêtement de briques mêlant l’inspiration mauresque, assyrienne et gréco-romaine.

La création de l’institut d’art a été motivé par le don en 1917 de la propre bibliothèque d’art et d’archéologie du couturier Jacques Doucet grand collectionneur et amateur d’art. Ce don est important pour le développement de l’enseignement de l’histoire de l’art, discipline modeste au début du XX ème siècle. Ce leg à la Sorbonne ne pouvait être placé dans le bâtiment de la faculté d’où la décision de créer un nouveau bâtiment financé en parti grâce à un don de la marquise de Visconti. C’est Paul Bigot qui remporte le concours organisé par l’université de Paris pour la construction de ce nouveau bâtiment achevé en 1928 où la bibliothèque d’art est placée au coeur de la construction qui intégrera tout autour des salles de cours et lecture. Au 4 ème étage, une grande salle sous verrière est destinée à recevoir l’une des versions en plâtre du plan-relief de la Rome antique de Bigot; elle servira à l’enseignement de l’architecture et de l’urbanisme romain aux étudiants (aujourd’hui disparu ainsi que la bibliothèque d’art transférée à l’Institut National de l’Histoire de l’Art à la galerie Colbert).

 

Paul Bigot livre un bâtiment original en béton armé revêtu de briques rouges de Gournay. Les briques rappellent une influence viennoise et florentine mais également d’Europe du Nord et Allemande. La variété des motifs sur la brique, les croisillons, les ouvertures, les baies géminées sont d’inspiration romane et tout le décor procure une grande richesse plastique. L’influence africaine se retrouve également au niveau de la corniche; on y voit de petits édicules pointés vers le ciel qui rappellent l’architecture mauresque et certaines maisons d’Afrique sub-sahariennes.

Enfin une étonnante frise archéologique constituée de moulages en terre cuite représente des sculptures grecques, romaines, médiévales et renaissance. Cette frise est traitée en bas-relief sur l’ensemble des façades et a été réalisée par la manufacture de Sèvres. On peut y reconnaitre des oeuvres célèbres comme les griffons du temple d’Antonin et Faustine, la guirlande de Ara Pacis, les lions de Metaponte et des bucranes. La grille d’entrée est un bel exemple de travail de ferronnerie exécutée sous la direction de Raymond Subes.

Bigot est farouchement opposé au mouvement moderne qui s’épanouit durant cette période et suscite nombreux débats et polémiques. Nous sommes en présence ici d’un architecte historiciste marqué par plusieurs influences mais marqué par la tradition.

Dès sa conception ce bâtiment monumental et en briques se démarqua fortement des bâtiments et immeubles voisins classiques réalisés en pierre et en plâtre; L’Institut d’art fut violemment critiqué…il est cependant classé MH depuis 1996.

 

Ce bâtiment est présenté lors de la visite « Le jardin du Luxembourg et immeubles remarquables »

André Arvidson et l’ immeuble-atelier de la rue Campagne première (Paris 14)

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André Arfvidson (1870-1932)

Diplômé de l’école Nationale Supérieure des Beaux-Arts (NSBA) en 1892, Arfvidson fait parti des architectes qui très tôt, dès 1910, ont annoncé le mouvement moderne (alors que s’éteignait déjà le mouvement Art Nouveau).

L‘immeuble de la rue campagne première en est la parfaite illustration.

Arfvidson réalisera un grand nombre d’ HBM avec parfois la collaboration de l’architecte J. Bassompierre, dans le 13 ème, le 16 ème et le 17 ème arrondissement.

Il va définir le modèle de l’immeuble pour artistes au 31 et 31 bis rue campagne première dans le quartier de Montparnasse. Cet immeuble, achevé en 1911 et primé au concours des façades de la ville de Paris, compte parmi les plus belles façades de la capitale. Issu de la révolution du béton, l’immeuble est une oeuvre de transition. En effet l’élégance de l’habillage de carrelage de grès flammé et la recherche de l’effet décoratif ainsi que la vivacité des couleurs qui mettent l’art dans la rue relèvent de l’esthétisme de l’Art Nouveau. Mais nous sommes loin des prouesses sculpturales des premiers immeubles Art Nouveau de Hector Guimard ou de Jules Lavirotte. Cet immeuble est à la fois spectaculaire mais strictement fonctionnel et marque une étape dans le dépouillement progressif des façades en céramique.

Ici Alexandre Bigot, l’un des plus grands céramistes et artiste incontournable de la fin de XIX ème siècle et du début du XX ème siècle, spécialiste des céramiques architecturales a travaillé avec les plus grands architectes du moment; il nous livre ici un éventail d’éléments en grès flammé produits en grande série (pastilles injectées dans le ciment, carreaux moulés, cabochons, rosaces…) Seules les impostes des deux entrées principales font l’objet d’un traitement particulier  : un gracieux visage féminin surmonte l’oeil de boeuf pris dans une guirlande de roses.

Oeuvre de transition donc, par son décor simplifié mais aussi par son volume, ses formes qui annoncent le Mouvement Moderne; Arvidson superpose 4 niveaux d’ateliers qu’il répartit sur 5 travées le long de la rue créant ainsi 20 ateliers d’artistes. Les grandes baies vitrées et les appartements en duplex annoncent les volumes spacieux du Mouvement Moderne et la mode de l’atelier d’artiste des années 20 et 30 des architectes comme Le Corbusier ou Mallet-Stevens. La structure est en béton armé, matériau moderne, fer de lance du mouvement international mais ce béton est cependant habillé de carrelage car, Arfvidson comme les bâtisseurs d’alors, ont encore des doutes sur l’étanchéité du béton brut et sa capacité à bien vieillir…

Pourvu d’un grand confort (gaz,chauffage central, électricité, téléphone, ascenseur cet immeuble abrita des artistes confirmés et fortunés. Parmi les nombreuses personnalités qui ont habité dans l’immeuble, comme le poète et musicien américain Ezra Pound, citons le plus célèbre d’entre eux, le peintre, photographe et réalisateur Man Ray du mouvement des Surréalistes. Il habita l’immeuble de 1920 à 1930 en compagnie de sa compagne et modèle la célèbre Kiki de Montparnasse. C’est ici qu’il réalisera ses premières solarisations dans la salle de bain transformée en chambre noire.

 

Immeuble inscrit ISMH en 1986

Ce chef d’oeuvre est à découvrir dans la visite  « les ateliers et demeures d’artistes à Montparnasse »