Charles Klein et l’immeuble « les chardons » (Paris 16)

Par défaut

Charles Klein (1903)

Charles Klein n’a laissé à la postérité que ce spectaculaire immeuble de style Art Nouveau que les habitants de Passy connaissent bien, situé à l’angle de la rue Eugène Manuel et de la rue Claude Chahu.

Ancien élève de l’école nationale supérieure des Beaux-Arts Charles Klein réalisa en 1903 un immeuble de rapport dont la façade est intégralement recouverte de grès flammé, singularité qui lui assura une immédiate renommée et lui vaudra le prix du concours des façades de la ville de Paris la même année.

Les nouvelles règlementations à la fin du XIX ème siècle et au début du XX ème siècle sur les saillies en façade et sur les gabarits en hauteur des immeubles ont généralisé une architecture plus mouvementée et plus riche vite adoptée par des architectes trop heureux d’abandonner les contraintes constructives et urbanistiques imposées par le Paris haussmannien. Pour encourager la création, l’art et l’animation des rues, la municipalité va alors organiser un concours des façades qui récompensera six constructions privées par année et cela dès 1898. Le premier immeuble récompensé par ce prestigieux concours sera le Castel Béranger d’Hector Guimard dans le 16 ème arrondissement. Primé en 1903 l’immeuble  » les chardons » est tout à fait représentatif de cette période « Belle Epoque » où le style Art Nouveau, comme le style post-Haussmannien vont s’épanouir. C’est une période de recherches esthétiques qui stimule les arts décoratifs et un artisanat créatif. C’est une époque marquée par les innovations sur le traitement des matériaux afin d’en tirer de nouvelles possibilités. Cette période aura eu pour rôle essentiel de promouvoir et d’expérimenter par l’architecture et les arts-décoratifs l’Art pour tous et l’Art partout.

Charles Klein réalise ici un immeuble dont la structure est en béton armé selon le système Hennebique, nouvellement très utilisé par les architectes en ce tout début du XX ème siècle. François Hennebique est l’un des premiers maçons qui en 1890 élabore un système de construction en fer et en béton, adaptable à de multiples situations. Le béton armé, résistant au feu et bon marché va être rapidement un marché en pleine expansion grâce à la simplicité de sa mise en oeuvre en remplaçant la maçonnerie classique ou les structures métalliques.

Le béton ici est entièrement couvert de céramique jaune d’ocre et vert d’amande ; soubassement et linteaux, arêtes et angles, toutes les lignes constructives de l’immeuble sont recouvertes de buissons dont les formes mettent en tension la surface unifiée et lisse des carreaux de grès qui couvrent la façade. C’est le céramiste Emile Müller dont ce sera la dernière grande réalisation, qui réalisera ce magnifique décor architectural en grès flammé. Le décor est entièrement consacré au chardon décliné sous toutes ses formes: tiges, feuilles, fleurs dont la couleur rose vient ponctuer la végétation sombre;  ce décor d’après les dessins du peintre Eugène Grasset est complété par quelques têtes échevelées…

Les ferronneries remarquables de la grille d’entrée comme son cadre de grès célèbrent le chardon; c’est le ferronnier Dodelinger qui en est l’auteur ainsi que les rambardes des fenêtres et des balcons ; Le vestibule d’entrée mérite lui aussi un coup d’oeil pour être entièrement couvert de carreaux de céramiques au décor floral…

L’Art Nouveau parisien se distingue par rapport à l’Art Nouveau viennois, bruxellois ou de Glasgow par la quantité de ses oeuvres disparues abstraction faite des intérieurs privés et des décors de lieux publics comme les brasseries, restaurants et boulangeries…La liste des bâtiments Art Nouveau détruits est impressionnante et Hector Guimard en fut la principale victime avec la disparition de plus de la moitié de sa production. Les destructions d’édifices Art Nouveau à Paris est le fait de l’effet de mode, de l’ignorance ou encore de la pression immobilière.

L’art Nouveau, dans son aspect le plus flamboyant n’a finalement duré à Paris que quelques années, de 1898 à 1905…Dès 1910 le style se limite souvent à un seul décor d’éléments sculptés réalisés en pierre comme le linteau de la porte d’entrée et (ou) des fenêtres ; on constate la disparition de la céramique architecturale au décor foisonnant.

Si vous passez dans le quartier ne manquez pas cet immeuble remarquable !

 

Immeuble classé au titre des Monuments Historiques (MH) depuis 1986.

Cet immeuble est visible lors de la visite « la Belle Epoque, période stylistique riche et éclectique ; démonstration dans le quartier de Passy.