Jacques Carlu et le palais de Chaillot (Paris 16)

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Jacques Carlu (1890-1976)

C’est l’homme des défis, des grandes entreprises et d’une certaine démesure dont témoignent ses oeuvres souvent empreintes de monumentalité.

Elève à l’école nationale supérieure des Beaux-Arts (ENSBA) il reçoit le grand prix de Rome en 1919. Après son séjour en Italie il séjourne et travaille aux Etats-Unis et au Canada. De retour en France en 1935 il va remporter avec la collaboration des architectes J. H. Boileau et L. Azéma le concours afin de transformer l’ancien palais du Trocadéro en un nouveau bâtiment à l’occasion de l’exposition internationale des arts et techniques qui se tiendra à Paris en 1937. En effet sur le site retenu pour la nouvelle exposition, s’élevait l’ancien palais du Trocadéro réalisé à l’occasion de l’exposition universelle de 1878 par les architectes Davioud et Bourdais. Cinquante ans plus tard ce bâtiment ne correspondait plus du tout au goût de l’époque par son esthétisme lourd, surchargé et coloré.

Pour des raisons de manque de temps et de coût prohibitif en cas de démolition totale de l’édifice, les commissaires de l’exposition choisirent de le conserver mais de camoufler le vieux palais. Mais l’idée du camouflage fit un tollé dans l’opinion et fut abandonnée. C’est finalement après sa nomination comme architecte en chef du palais que Jacques Carlu trouva un compromis : il décida de démolir le volume central qui contenait la salle de concert et de doubler les longues ailes que l’on conserverait. Les architectes vont enrichir ce parti en enterrant sous la terrasse ouverte sur la tour Eiffel, la nouvelle salle de spectacle. Ainsi les 2 ailes vont s’élever à partir de cette nouvelle esplanade, sans lien entre elles permettant de mettre en valeur de façon moderne, l’échelle et les proportions du nouveau palais. Cette ouverture, le vide sur le ciel, la perspective vers la tour Eiffel s’inspire de la tradition classique et monumentale française qui participe par exemple à la majesté de la place de la Concorde, des esplanades du champ de Mars et des Invalides. Mais c’était aussi l’idée simple qui consistait à aménager en ce point privilégié un lieu pour contempler la ville.

Le palais de Chaillot (à peine achevé lors de l’inauguration de l’exposition en mai 1937) est à tort considéré comme appartenant au style Art Déco. Or, si on veut être le plus juste possible, on devrait dire plutôt que ce bâtiment est représentatif de tout un classicisme qu’on pourrait qualifier, faute de mieux, de « style entre-deux-guerres »... en effet le style Art Déco a pris fin en 1935. On a affaire ici à un style, un esthétisme architectural et décoratif et même sculptural commun à tous les pays occidentaux à la même époque. Nous avons ici un style classique et même néo-romain au dire d’Azéma, par son axialité et l’esprit de symétrie renforcé par le vide central. Nous avons également l’utilisation de tout un vocabulaire venu en droite ligne de Vitruve (corniches, architraves, attiques décoratifs, métopes et autres masques sculptés…)Ici tout est très épuré et délibérément colossal; les colonnes sont privées de chapiteaux et de toutes modénatures, elles sont réduites à la plus simple expression. Le bâtiment de Chaillot, tel qu’il sera exécuté sera plus épuré par rapport au projet initial, certainement à cause d’un budget sans cesse réduit et pour des raisons de rapidité du chantier. Les corniches sont débarrassées de leur décor de caisson et sont soulignées par une moulure en quart de rond beaucoup plus importante. Le dessin des baies et des menuiseries est simplifié et le soubassement du palais est débarrassé d’un bossage pour laisser place à des murs lisses; l’architecte démarque la base de l’édifice en employant des pierres de parement carrées plus petites que celles de la grande élévation du niveau supérieur. La composition des façades est classique mais leur style assez moderne, avec leurs hautes piles carrées sans bases ni chapiteaux encadrant des baies vitrées réunies en de larges verticales sombres et brillantes à la manière des façades rideaux en verre. Les structures de l’édifice utilisent l’acier et le béton et l’ensemble est recouvert en pierre de Bourgogne.

Classé MH depuis 1980

Ce monument est visible lors de la visite « La colline de Chaillot et l’exposition internationale des arts et techniques de 1937 »