Robert Mallet-Stevens et l’atelier Martel (75016)

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Robert Mallet-Stevens (1886-1945)

Elevé dans une famille d’artistes, Robert Mallet-Stevens reçoit sa formation d’architecte à Paris à l‘école spéciale d’architecture boulevard Raspail entre 1903 et 1906. Il y obtient un prix de construction et un diplôme de salubriste. Intéressé par toutes les formes d’art, il s’oriente d’abord pendant environ quinze ans vers le décor de cinéma (« l’Inhumaine » de Marcel L’Herbier en 1924) considérant le cinéma comme un art à part entière. Cette expérience de décorateur sera capitale et influencera notamment ses aménagements intérieurs. Ce n’est qu’à partir des années 20 que Mallet-Stevens va construire, mais uniquement pour une clientèle privée, des villas et maisons-ateliers. Sa seule commande publique sera la caserne de pompier de la rue Mesnil dans le 16 ème arrondissement en 1934. Robert Mallet-Stevens est cependant considéré aujourd’hui comme l’une des figures majeures de l’architecture française de l’entre deux-guerres et l’un des représentants de l’architecture moderne auprès de Le Corbusier. Comme ce dernier, Mallet-Stevens a reconnu tous les bienfaits du travail des frères Perret sur l’architecture moderne avec le béton armé mais son inspiration majeure sera à Bruxelles, sur le chantier du Palais Stoclet que son oncle a confié en 1910 à l’architecte autrichien Joseph Hoffmann. C’est au contact de cet architecte d’avant garde qui représentait une esthétique nouvelle (façades unies et blanches soulignées de noir, langage géométrique, ligne pures..) à l’opposé des excès décoratifs de l’Art Nouveau, que se forgera l’architecture de Mallet-Stevens.

La maison-atelier des sculpteurs Martel fait partie d’une opération immobilière réalisée par Daniel Dreyfus, propriétaire d’un grand terrain dans l’ancien village d’Auteuil. Robert Mallet-Stevens reçoit la commande de cinq hôtels particuliers qui vont être érigés entre 1926 et 1934 pour de riches commanditaires dans une voie privée nouvellement créée pour l’occasion. L’originalité architecturale de cette opération se résume dans la cohérence de l’ensemble, les bâtiments formant une oeuvre manifeste d’avant garde qui doit être qualifiée de moderne. Inaugurée en grande pompe en juillet 1927 la nouvelle voie prit le nom de l’architecte fait exceptionnel du vivant de son concepteur; seul Victor Hugo eut ce privilège en habitant l’avenue qui portait son nom.

L’hôtel Martel réalisé entre 1926 et 1927 fut commandé par les jumeaux et sculpteurs Joel et Jan Martel qui s’étaient fait connaitre à l’occasion de l’exposition des arts décoratifs de Paris en 1925 où ils avaient présenté un jardin moderne et cubiste composé d’arbres en béton, idée qui leur avait été soufflée par leur ami, l’architecte Mallet-Stevens. Le programme de l’édifice doit inclure un atelier pour les deux frères ainsi que trois appartements autonomes.

L’élévation reprend les principes architecturaux chers à Mallet-Stevens à savoir une composition basée sur la géométrie où le cube serait la base de la construction. L’architecte joue sur une succession de blocs monolithes où empilements, évidements et décrochés sont sa signature et où les arêtes vives des parois donnent le jeu de lignes horizontales et verticales. Au centre du bâtiment, l’élément structurant de la composition, la cage d’escalier, ici cylindrique, donne la ligne verticale à l’ensemble. Nous avons donc ici une composition architecturale faite d’imbrication de volumes géométriques simples, cylindre, obliques, cubes et rectangles. L’escalier est surmonté d’un disque en ciment recouvert dans sa sous-face d’un carrelage de mosaïque rouge, tandis que les stores jaunes, et le noir des huisseries apportent un jeu de couleurs franches à l’édifice recouvert d’un enduit blanc. Il est intéressant de noter que Mallet-Stevens a toujours suivi les mouvements d’avant garde et notamment le mouvement De Stijl dont Mondrian est le principal représentant en France…ne devrait on pas alors regarder l’architecture de l’atelier Martel comme une composition des tableaux abstraits de Mondrian? Notons également l’intérêt que porte l’architecte à toutes les nouvelles formes d’art avec le magnifique vitrail qui court sur toute la hauteur de l’escalier. Réalisé par Le maître verrier Louis Barillet il montre un nouveau, moderne et révolutionnaire travail de verres industriels colorés que Mallet-Stevens intègrera presque systématiquement dans toutes ses constructions. L’intérêt de Mallet-Stevens pour les arts d’avant-garde se révèlera avec la création de l’U.A.M en 1929 dont il sera le président et qui regroupera tous les artistes et décorateurs souhaitant faire entrer la modernité dans la création: les artistes réaliseront de nouvelles formes grâce aux nouveaux matériaux issus des découvertes industriels ; ainsi feront-ils la part belle au fonctionnalisme et à la standardisation.

Trois entrées desservent la maison Martel : à gauche le garage, à droite l’atelier et au centre l’entrée principale conduisant aux trois appartements et à l’atelier. La grille est due au ferronnier d’art Jean Prouvé dont la carrière a été lancée à Paris grâce à Mallet-Stevens qui lui a commandé plusieurs gros travaux dans les hôtels particuliers de la rue. L’aménagement intérieur de la maison-atelier a suscité l’intervention de quelques artistes et designers comme Charlotte Perriand pour un ensemble résolument moderne et pratique.

La maison-atelier Martel a relativement peu souffert de modifications et a gardé son aspect d’origine par rapport aux autres maisons de la rue réalisées par l’architecte. Car l’oeuvre bâtie de Mallet-Stevens, n’ayant pas été reconnue à sa mort, a été oubliée pendant des années (archives détruites selon sa volonté) et par voie de conséquence soumise à des dégradations en tout genre. Ainsi des réalisations majeures comme la villa de Noailles dans le midi ou la villa Cavroix dans le nord ont été sévèrement détériorées. Ce n’est qu’à partir de la fin des années 70 que commença la lente réhabilitation de l’architecte avec expositions et restaurations de quelques unes de ses oeuvres iconiques.

Monument classé au titre de monument historique (MH) depuis 1990.

L’atelier Martel est présenté lors de la visite  » Robert Mallet-Stevens en sa rue »